Histoire et patrimoine

Roz-sur-Couesnon est constitué comme son nom l’indique d’une partie haute (Roz=colline en breton) où se situe le Bourg, et d’une partie basse constituée des anciens marais, des polders et des herbus, où s’écoulait jadis le fleuve du Couesnon. Cette particularité offre à la commune un point de vue exceptionnel sur la baie et sur le Mont Saint-Michel mais également une grande diversité de paysage, d’activité et d’Histoire. Nous vous proposons ici un petit tour historique de Roz sur Couesnon.

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Le marais et les polders

La partie basse de Roz-sur-Couesnon est constituée de terres d’origine marine progressivement gagnées sur la mer par la construction successive de digue et de canaux. Ces travaux ont commencé autour du XIe siècle avec l’édification de la digue de la Duchesse Anne sur d’anciens cordons littoraux qui séparaient la baie du Mont Saint-Michel du marais de Dol. Cette ancienne digue abrite aujourd’hui la voie verte qui permet de relier à pieds ou à vélo la Chapelle Saint-Anne au Mont Saint-Michel. Les derniers travaux d’endiguement datent de  1856, mis en œuvre par la Société Mosselman et Donon, qui construisit l’actuelle digue de mer et devint la Compagnie des Polders de l’Ouest. La concession fut signée le 21 juillet 1856 pour 99 ans par l’Empereur Napoléon III.

La Compagnie des Polders de l’Ouest dut construire de nombreux corps de ferme. Et surtout pourvoir à l’adduction d’eau : pour ceci trois réservoirs alimentent les fermes à l’aide d’un réseau de 15 km de tuyaux de fonte. Le grand réservoir contenant 10 000 m3 d’eau est situé à 30 m au dessus des polders. Dans cette conquête s’illustrent deux agriculteurs : le Comte Charles Doynel de Quincey et son successeur Mr Julien Touzard (1831-1915) dont la Ferme des Quatre-Salines s’étendait sur 400 hectares. Au delà de la dernière digue s’étendent les herbus où paissent les fameux moutons de prés-salés. Cet admirable paysage peut encore subir les assauts de la mer ; la dernière grande inondation remonte au 28 février 1869.

Cette Histoire fait l’objet d’un musée passionnant à Roz-sur-Couesnon : la maison des polders.

Le village des quatres salines

Ce village porte le nom des salines qui occupaient le littoral de la commune jusqu’à la fin du 18ème siècle.

Au milieu du 19ème siècle, la mer venait encore jusqu’au pied de ce village protégé par la digue médiévale, dite de la Duchesse Anne. Le site a été exploité bien avant notre ère par les populations locales en utilisant successivement deux techniques d’ extraction du sel.

La plus ancienne dite du briquetage consistait à obtenir une saumure très concentrée, pour être ensuite cristallisée par chauffage et évaporation du surplus d’ eau, de façon à obtenir un pain de sel d’ environ 3 kg. Le moule contenant ce pain était ensuite brisé pour récupérer le sel.

La technique dite de lavage des sables consistait quant à elle à recueillir le sable salé des grèves. Celui-ci était disposé dans des caisses, en couches recouvertes de paille. Puis il était ensuite lessivé par l’ eau de mer qui filtrée par le sable, devenait une liqueur saline très concentrée. On la faisait évaporer dans de petits bassins en plomb, en les chauffant au bois. La masse saline obtenue était mise dans des paniers suspendus au dessus des fours. Le sel obtenu était très blanc, de consistance neigeuse. Après l’ opération de lavage, les sables constituent des amas considérables que l’ on désigne sous le nom de Mondrins.

Le village des Quatre Salines fut, jusqu’au 19ème siècle, le siège d’ un poste des Douanes Royales et Impériales ainsi que d’ un bureau de sel.

Les Herbus, les moutons des prés-salés et la chasse aux gabions 

Les herbus appelés également “prés-salés” ou “grève” sont la partie herbagées située au delà de la digue de mer, sur le domaine maritime. Actuellement les herbus qui partent de la Chapelle Saint-Anne à Saint Broladre jusqu’aux berges du Couesnon, constituent 1400 hectares d’un seul tenant (plus de la moitié se trouve sur la commune de Roz-sur-Couesnon), formant la plus importante unité de Prés-Salés de toute la Baie du Mont Saint-Michel.

La montée périodique des marées sur les herbus favorise la présence d’une flore adaptée à la présence du sel. Sur les herbus de Roz-sur-Couesnon une trentaine d’espèces se répartissent selon leur degré d’adaptation à l’ influence marine. Parmi ces espèces caractéristiques des prés-salés figurent la spartine, les salicornes, la puccinellie, l’obione, la soude…

La couverture végétale qui recouvre les herbus est fortement marquée par le pâturage du célèbre mouton pré-salé. Une tradition d’ élevage que pratiquaient déjà les moines de l’abbaye du Mont Saint-Michel. Les races Suffolk et Roussin de la Hague aux têtes et pattes sombres représentent le mouton de référence des prés-salés, ce sont des races rustiques adaptées au milieu qu’elles pâturent.

A Roz-sur-Couesnon, le cheptel de 2000 brebis qui paissent sur les herbus, constitue le plus grand rassemblement de Prés-Salés de Bretagne. Pour obtenir l’appellation Agneau Prés-Salés du Mont Saint-Michel, il leur faut passer plus de la moitié de leur vie et au moins 70 jours sur les herbus. 

Les Herbus sont également parsemés de petits plans d’eau en forme haricot bordés par une discrète hutte semi-enterrée. Il s’agit des gabions, des plans d’eau artificiels dédiés à la chasse aux oiseaux migrateurs. Les chasseurs y passent la nuit à tenter d’attirer des oiseaux comme la Sarcelle d’hiver et le canard siffleur. Cette chasse ancestrale a lieu d’Aout à Janvier et uniquement la nuit. 

Le Corps de Garde

Il faisait partie d’un ensemble de 46 corps de garde situés entre Saint-Pol-de-Léon dans le Finistère et le Couesnon. Leur rôle était de prévenir tout débarquement d’ennemis sur nos côtes.

Le bâtiment comprend une salle de garde et une prison. Sa date de construction est incertaine. On sait seulement qu’il a été édifié au frais de la paroisse et qu’en 1718 il aurait eu besoin de réparations.

Il abritait un détachement de miliciens garde-côtes recrutés dans la population locale par tirage au sort. Les bons numéros constituaient la compagnie de la Paroisse ou Compagnie du Guet. Les mauvais numéros formaient la Compagnie détachée qui devait, en cas de conflit, prendre position à la Varde près de Cancale

Chaque compagnie comprenait 1 Capitaine, 1 Lieutenant, 1 Enseigne (cet encadrement appartenait à la noblesse locale) et de 2 sergents, 3 caporaux, 3 ampessades (aides caporaux), 1 tambour et 41 fusiliers ou canonniers.

Au cours de la guerre de 7 ans (1758), la compagnie détachée de Roz eut son capitaine et son lieutenant tués et 5 miliciens fait prisonniers. Néanmoins les Anglais furent rejetés à la mer.

Le Château de Launay

Le château de Launay-Morel abritait le Seigneur de la paroisse qui détenait le droit de haute justice. Il dépendait lui-même du Comte de Combourg. Le site fut occupé depuis le 14ème siècle par les familles Chantegrue, Des Li, de Saint-Gilles, de Marcillé, et Gouyon de Vaucouleur.

Le château était ceinturé de douves formant un rectangle de 165 mètres sur 90. A l’intérieur de ce périmètre s’inscrivait un corps de logis central, flanqué à l’Ouest d’ un bâtiment à usage de boulangerie, et à l’Est d’ un bâtiment identique à usage d’ écurie. Ces trois bâtiments encadraient une cour dallée de plus de 1200 m². La chapelle était située au Sud, en dehors des douves, devant l’entrée de la cour d’honneur.

De ce magnifique ensemble, seul subsiste le colombier, construit en pierres, de forme circulaire au diamètre extérieur de 9 mètres et haut d’environ 9 mètres. Il comporte 813 bouliers ou logements à pigeons. Ceci permet d’ évaluer la superficie de la seigneurie. La coutume de Bretagne autorise, en effet, un boulier par jour de terre, soit deux bouliers pour environ un hectare. La seigneurie de Launay-Morel s’étendait donc sur plus de 400 hectares.

Le Manoir de la Rue

Le manoir porte la date de 1574. Il fut édifié par Jean Ybert dont la fille épousa Georges Simon. Plusieurs générations de Simon se sont succédées jusqu’en 1699 dont Françoise Thérèse Simon épouse de Julien de Brumes de Montlouet. L’un de leurs enfants, François (1712-1765) fut vicaire Général de Dol puis évêque de Saint-Omer.

L’entrée du manoir, au sud, est un important porche bâti en grand appareil, comporte une grande voûte et un portillon du même style. Cet ensemble a malheureusement été mutilé dans sa partie haute.

Le logis comprend d’une part une vaste salle, dallée de pierres plates, à usage de cuisine avec four et grande cheminée; d’autre part, une grande salle commune avec des poutres apparentes, portes et fenêtres à l’est.

Le roman de Paul Féval, La Fée des Grèves s’y déroule en partie.